Cette pièce librement inspirée de Die Bergbahn d’Ödon von Horvàth est une critique incisive des comportements petit-bourgeois, du déclassement des femmes, victimes premières d’une société d’hommes, et de la tentation nocive du fascisme, plus largement des extrémismes politiques et religieux.

Je souhaite proposer une adaptation contemporaine de la pièce d’Ödön von Horváth. Cet auteur, que je fréquente depuis longtemps, tient une place particulière dans mon panthéon germanique : Ödön von Horváth est un dramaturge qui, à l’aube des années trente, dans une époque marquée par les bouleversements sociaux et politiques, a su capter avec acuité les tensions de son temps. Son œuvre se caractérise par une critique incisive des comportements petit-bourgeois, du déclassement des femmes, victimes premières d’une société d’hommes, et de la tentation nocive du fascisme, plus largement des extrémismes politiques et religieux. Une force dramatique qui semble encore résonner (il n’est pas agréable de le constater) avec nos préoccupations contemporaines. Horváth est un « dramaturge de la crise ».

Die Bergbahn, écrit en 1928, est à cet égard une œuvre quasi prophétique : les personnages sont tous confrontés à des choix moraux complexes. J’ai le sentiment qu’en proposer une adaptation contemporaine, c’est mettre en résonance notre époque avec une rare intensité dramatique. Cette pièce aborde des thèmes universels tels que la violence des rapports humains, les inégalités sociales et la manipulation idéologique, qu’elle soit politique ou religieuse. Ma familiarité avec cette écriture et mon intérêt pour les questions sociologiques d’aujourd’hui me permettent d’envisager une adaptation fidèle à l’esprit de l’auteur tout en étant résolument contemporaine. La pièce mêle habilement les sphères du politique, du social et de l’intime. J’aime la surnommer « conflits sociaux en milieu extrême ». Tout cela est abordé sous l’angle d’une microsociété captive, coupée du monde dans les hauteurs alpines… Il faut construire coûte que coûte le funiculaire/Bergbahn avant l’arrivée de l’hiver qui mettra tout le monde en péril. Un « winter is coming » bien moins romancé, mais formidablement efficace dramatiquement.
Aujourd’hui, dans un contexte où les clivages xénophobes, raciaux et genrés s’exacerbent, où le dérèglement climatique tue chaque jour, la pièce offre un miroir saisissant de notre époque. Elle met en lumière la tentation des extrémismes et la montée des discours identitaires, reflétant ainsi nombre de défis auxquels notre société est confrontée. Cette dimension confère à l’œuvre une per-
tinence renouvelée, invitant à une réflexion profonde sur les mécanismes d’exclusion et de domination.

La représentation de la haute montagne constitue un véritable défi scénographique. Cette contrainte offre une opportunité de créativité pour les étudiants, qui pourront explorer des solutions innovantes pour traduire cet univers sur scène. Ce travail permettra également d’aborder les notions de symbolisme et de métaphore dans la mise en scène.

Funiculaire offre la possibilité de mobiliser un grand nombre de personnages, ce qui en fait un projet idéal pour un travail collectif. Les étudiants pourront s’impliquer dans un processus collaboratif, tant sur le plan du jeu que de la chorégraphie, de la dramaturgie et de la scénographie. La largesse de cette dimension permettra de renforcer la cohésion du groupe et de développer des compétences transversales.
Proposer une adaptation contemporaine de Die Bergbahn avec les étudiants de théâtre d’Aix-Marseille Université constitue à mon sens une belle opportunité de conjuguer exigence artistique et formation pédagogique. Ce projet permettra de créer une œuvre riche et porteuse de sens, en résonance avec les enjeux de notre époque.

Laurent Hatat