édito
Une première formulation du thème de la saison 2012/2013 était : « Parler de soi certes… mais comment ? ». Merci à François Cervantes de m’avoir suggéré la modification actuelle qui présente de façon plus claire les enjeux du thème choisi : explorer les chemins de l’intimité, accompagner les changements contemporains concernant la figure de l’individu humain, dans nos vies personnelles, dans nos représentations intérieures, dans les représentations sociales, et aussi sur la scène du théâtre et de l’art.
Aujourd’hui, dans nos démocraties européennes où les droits de l’individu sont reconnus, la difficulté identitaire ne réside plus tant dans les conflits entre le sujet et ce qui menace son intégrité, mais plutôt
dans cette individualité même. Il y a en Occident un écart de plus en plus grand entre ce que nous vivons affectivement, jour après jour, les uns à coté des autres, et les modèles d’existence individuelle qui nous sont offerts comme formes de construction de nos identités.
Deux exemples majeurs :
Comment vivre le choc aujourd’hui quasi banal de la séparation précoce des parents quand le modèle familial freudien de l’identité est plus que jamais dominant ?
Comment intégrer la souffrance et la mort quand pour l’homme libéral « être soi-même » est le souverain bien auquel il faut tendre, quand l’individu reste l’image d’un bastion tout puissant, quand on désespère au coeur de « notre forteresse vide » ? Comment vivre le fait qu’il n’y ait pas toujours aujourd’hui de « coupable » ni de « cause » pour toute atteinte à notre bonheur ni de forme transcendante de la consolation ? Que faire des douleurs auquel le coaching ne peut rien ?
Deux chemins s’ouvrent alors à nous : Le chemin, raide mais bien balisé, qui nous propose de faire le constat cynique de ces écarts et présente un individu sensible-et-méchant, très lucide, amer habitant de l’île houellebecquienne attendant la montée des eaux. C’est une voie pertinente mais close qui ne nous offre en fait aucune perspective nouvelle.
Le sentier tortueux et caché sous la végétation, où il faudra tenter de rendre consistant, au plus près des instants, ce qu’il en est de notre vie affective, en avançant sans topo-guide, en franchissant les frontières du moi, de l’homme et des bêtes et en s’aidant de la puissance visionnaire des fictions. C’est un modèle incertain, ouvert sur le futur d’une conscience encore floue.
Les spectacles présents cette saison emprunteront l’un ou l’autre chemin, parfois les deux. En tout cas, nous nous adressons à vos sentiments, à ce qui en vous ne sait pas quoi faire de son impuissance, de son chagrin, de sa solitude, de sa solidarité intérieure, de son sentiment de fraternité et qui cherche sa joie. Nous vous proposons d’attendre « ceux qui arrivent » en partageant sourires et clins d’oeil.
Danielle Bré
les commentaires ne sont pas (ou plus) acceptés sur cet article…